Livret d’aide à la visite de l’exposition temporaire « Les jardins du Grand Paris » en gros caractères

La prise en compte de la nature a évolué au fil des siècles. Au cours du XIXe siècle, la croissance démographique s’accompagne
d’une densification du tissu urbain. Les risques de maladies s’aggravent. Le développement
industriel et l’évolution de la société entraînent la création de nouveaux jardins dans de nombreux pays européens.
La nature acquiert alors une place grandissante
comme un élément d’ordre, de beauté et d’hygiène au coeur des villes. La population urbaine augmente et les enjeux pour la nourrir aussi. L’emprise foncière repousse les productions de plus en plus loin du centre, les maraîchers sortent progressivement de l’enceinte de Paris pour installer leurs cultures en banlieue.
Le déclassement de l’enceinte fortifiée de
Paris en 1919 constitue une porte d’entrée à de nouveaux programmes urbanistiques : ils influenceront les relations entre Paris et sa banlieue, tantôt vecteurs de continuité avec une
omniprésence des espaces verts, tantôt vecteurs de rupture avec une priorité donnée aux logements et à la circulation automobile.
Apportant une réponse à des questions morales, hygiénistes et sanitaires, les jardins ouvriers se développent dès le début du XXe siècle et permettent de satisfaire des besoins alimentaires liés à la crise économique et aux deux guerres mondiales.
À l’heure actuelle, les défis environnementaux
présents et futurs avec la question de la renaturation sont plus que jamais au centre des réflexions sur la ville toujours plus dense. Des initiatives citoyennes au sein de jardins familiaux et partagés s’intensifient et offrent des lieux de solidarité, de résistance et de plaisir. En parallèle
s’effectue le retour de l’agriculture urbaine et des circuits courts.
Nul doute que la prise en compte globale
de la nature sera au coeur des préoccupations
des prochaines décennies ! Que cette exposition puisse contribuer à en prendre conscience.

ANTIQUITÉ
Pour les Romains, les jardins urbains sont de deux types : encadrés par une galerie carrée de colonnes ils servent de lieu d’agrément au coeur de la maison, placés à l’arrière de cette domus, ils accueillent des cultures.
Les jardins botaniques et médicinaux existent, principalement connus par des textes.

MOYEN-ÂGE
Les jardins médiévaux sont généralement clos, situés dans l’enceinte des abbayes ou des châteaux afin de les protéger des troubles locaux.
Ils sont essentiellement utilitaires et partagés en plusieurs parties : les simples (plantes aromatiques et médicinales), le potager, les fleurs, le verger. Ils intègreront par la suite des parties d’agrément.

XVIe
L’époque étant moins belliqueuse, les jardins sortent de l’enceinte des châteaux.
La diversité végétale est permise par les nouvelles espèces rapportées des Croisades. Les jardins ornementaux conservent une disposition géométrique avec des pelouses en damier, des arbustes ifs taillés et des plates-bandes.

XVIIe
La mode des jardins réguliers dits « à la française » gagne l’Europe, entre la fin du XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe siècle.
On y recherche la perfection formelle à travers la taille savante des végétaux et des tracés linéaires tout en théâtralisant le parcours des promeneurs avec des terrasses et des jeux d’eau.

XVIIIe
Deux écritures formelles de jardins s’articulent au XVIIIe siècle : une composition géométrique et une nouvelle formule de composition venue d’Angleterre.

Le XIXe siècle marque un tournant dans l’histoire des jardins. La Révolution Française a entraîné la disparition de grandes propriétés privées et l’ouverture de jardins publics. Contemporains des nouvelles concentrations urbaines, ceux-ci doivent répondre à deux ambitions : d’une part, offrir un lieu d’agrément et de promenade à tous les citadins, indépendamment de leur classe sociale ; d’autre part, métamorphoser Paris, cité alors « asphyxiée », en une ville verte qui participe d’un dessein général d’assainissement et d’embellissement.
Les premiers changements se perçoivent dès la première moitié du siècle et s’accélèrent à partir de 1850. Les plantations des boulevards, apparues sous Louis XIV, sont renouvelées. Trois cimetières, conçus comme des lieux de promenade, sont créés en dehors des limites parisiennes. De nombreux parcs et squares son aménagés, tandis que les bois de Boulogne et de Vincennes sont redessinés et
renouvelés.
Un Paris moderne, plus ouvert et végétalisé par la création de 300 nouveaux hectares, voit le jour et suscite l’admiration de la communauté internationale lors de l’Exposition universelle de 1867.

Les promenades plantées, dans le prolongement du XVIIIe siècle
Avant les grandes réalisations d’Eugène Haussmann, le préfet de la Seine, Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau, débute à partir de 1833 quelques travaux en lien avec les théories hygiénistes. Près de 40 000 arbres sont plantés sur les avenues, boulevards, quais et places de la capitale. Ces alignements d’arbres assurent un rôle technique de stabilisation et d’assainissement de la chaussée et ont des qualités esthétiques et climatiques.
D’une longueur de près de deux kilomètres, l’avenue des Champs-Elysées est un axe majeur de Paris reliant la place de la Concorde à la place de l’Etoile. C’est sous le règne de Louis XIV qu’elle est aménagée à travers bois et marais par André Le Nôtre, constituant un axe prestigieux vers Saint-Germain-en-Laye et Versailles. Elle est alors bordée d’allées d’ormes et de tapis de gazon. En 1828, l’affectation de l’ensemble des jardins à la Ville de Paris permet l’aménagement de l’avenue et de ses jardins par Jacques Hittorff. Ce dernier renouvelle les plantations et dessine une partie des équipements.

Les cimetières paysagers
Les inhumations sont peu à peu interdites dans Paris intra-muros afin de rendre la ville plus salubre. Un arrêté préfectoral de 1801 prévoit la
création de trois cimetières : le Père-Lachaise en 1804, Montparnasse en 1824 et Montmartre en 1825. C’est le début de la végétalisation des
cimetières pour purifier l’air vicié et les embellir afin de devenir de véritables jardins et promenades touristiques.
Ceux du Père-Lachaise et de Montmartre sont conçus et réalisés dans une esthétique romantique et « naturelle » avec le choix d’essences particulières comme les ifs, les cyprès, les peupliers ou les saules.

Les parcs et les bois : lieux de promenade, de détente et de sociabilité
Napoléon III, inspiré par les villes anglo-saxonnes, confie entre 1853 et 1869 à Georges Eugène Haussmann la transformation de Paris. Le Préfet de la Seine nomme l’ingénieur des ponts et chaussées Adolphe Alphand, assisté par Jean-Pierre Barillet-Deschamps, paysagiste-
horticulteur et l’architecte Gabriel Davioud à la direction du nouveau service spécial des Promenades et Plantations créé en décembre
1854. Différents jardins vont être réaménagés ou créés dont les bois de Boulogne en 1853-1859 et de Vincennes en 1857-1861, les parcs des Buttes-Chaumont en 1864-1869 et de Montsouris en 1867-1878.
Organisé en deux volumes, l’ouvrage « Les promenades de Paris » à l’initiative de l’ingénieur Adolphe Alphand et de l’éditeur Jules Rothschild, présente les aménagements des nouveaux « espaces verdoyants » tel que le baron Haussmann les définit dans sa transformation de la capitale. C’est le premier traité sur les jardins publics et parmi les premiers sur l’art des jardins.

Les squares : des jardins libres d’accès
Le premier square public est l’actuel square Jean XXIII ouvert en 1844 dans la partie amont de l’île de la Cité. Entre 1853 et 1869, un maillage de squares, destinés au délassement quotidien est mis en place dans la capitale : 17 sont créés dans la vieille ville et 7 dans la banlieue annexée
en 1860 formant le Paris actuel. Chaque habitant de Paris doit avoir un square à moins de trente minutes de marche de son domicile.

À partir du XVIIIe siècle, une civilisation des loisirs se construit progressivement et démocratise le temps pour soi. Les jardins sont des lieux propices à la détente comme aux activités physiques.
De nouvelles pratiques, annonçant la modernité apparaissent sous Napoléon III.
Les classes les plus fortunées viennent en famille ou en couple pique-niquer sous les ombrages, déjeuner aux terrasses de restaurants, lire, patiner l’hiver au bois de Boulogne sur les lacs gelés ou s’adonner au canotage l’été. Dans les nouveaux boulevards arborés, ils se montrent en calèche ou à cheval.
Les classes plus populaires, artisans, employés, ouvriers, journaliers, sont invités à fréquenter les « espaces verdoyants » lors de leurs trop rares moments de loisirs pour leur bien-être ainsi que celui de leurs enfants, figures familières de la rue.
Dès les années 1910, des espaces protégés sont pensés pour accueillir les enfants mais peu réalisés, il faut attendre les années 1930 pour avoir des jardins clos réservés aux plus petits. Les nouveaux parcs créés à partir des années 1960 seront équipés d’aires de jeux.

Au début du XIXe siècle, le maraîchage a encore toute sa place en Île-de-France, 95% des fruits et légumes consommés dans la capitale y sont produits. Malgré l’urbanisation, le nombre de jardiniers-maraîchers augmente considérablement.
Il passe de 673 en 1809 à 1804 cinquante ans plus tard.
Les surfaces exploitées recouvrent 0.5 à 1 hectare de surface.
Le maraîchage s’éloigne du centre pour gagner la périphérie de la capitale. En 1859, les douze arrondissements centraux de Paris n’ont plus aucun maraîcher. Ces derniers sont répartis à 45 % dans les arrondissements périphériques (12e et 20e en majorité) et à 55 % en banlieue.
La ceinture maraîchère, occupe les espaces situés au-delà des actuels grands boulevards et les coteaux avoisinants de Belleville, Montreuil ou encore Charonne.

Les maraîchages : des productions locales et spécialisées
Derrière cette ceinture, les cultures sur les coteaux de l’est parisien sont encore importantes. Le plateau de Belleville-Montreuil notamment est majoritairement viticole. Pour
répondre à l’accroissement du marché parisien, la plaine des Vertus, autour d’Aubervilliers, assure dans les années 1860 entre les deux tiers et les trois quarts de l’approvisionnement de Paris en gros légumes. Grâce à l’humidité naturelle des terres, on y cultive des choux, oignons, poireaux, navets, carottes, betteraves, panais, salsifis, asperges, artichauts, salades.
La plupart des variétés sont devenues éponymes de cette plaine et ont été cultivées partout en France et dans les colonies.

Les vignes d’Île-de-France
Le vignoble d’Île-de-France connaît son apogée aux XVIIe-XVIIIe siècles. À cette époque, il occupe 42 000 hectares et constitue le plus important vignoble de France. Il implique quelque 300 communes de la région. Des vins franciliens sont très réputés car servis aux tables royales, comme celui de Suresnes, mais la qualité va progressivement baisser.
Paris s’agrandit et l’augmentation de la demande conduit à une hausse des rendements, tandis que la qualité en pâtit. Au XIXe siècle, la crise du phylloxéra et l’apparition du chemin de fer, facilitant la consommation de vin en provenance d’autres régions, portent un coup fatal au vin francilien.

Le XXe siècle est marqué par la pression démographique qui va entraîner la reconfiguration morphologique de Paris et de sa banlieue. Des projets d’embellissement à l’échelle de l’agglomération parisienne intègrent
des espaces végétalisés d’agrément. Les 15 forts détachés démilitarisés et le projet de déclassement et de démolition de l’enceinte de Thiers constituent dès 1913 une opportunité de créer une ceinture verte avec de nouveaux parcs mis en réseau pour partie avec la corniche des forts à l’est. Elle restera finalement à l’état d’ébauche.
En banlieue, des cités-jardins voient le jour avec l’idée en 1913 d’un « Grand Paris » reliant la capitale et ses environs. Face à la spéculation foncière, les terrains agricoles localisés à l’est de Paris se réduisent peu à peu et laissent place aux jardins ouvriers. La zone non aedificandi des fortifications parisiennes accueille des petits jardins mais surtout le mal logement. Tandis que dans les emplacements des forts détachés s’installent des jardins ouvriers avec des cultures vivrières. Le maraîchage se développe ainsi au-delà des faubourgs dans les villes de banlieue.

Le projet de ceinture verte
La ville de Paris, délimitée par l’enceinte de Thiers, est entourée d’une bande de servitude militaire non aedificandi. Cette « zone », abritant environ 30 000 personnes en 1913, est au centre des réflexions menées par les inventeurs de la nouvelle discipline de l’urbanisme. L’idée de la transformer en « ceinture verte » avec un nouveau réseau de parcs hors Paris émerge alors.
Après le déclassement de l’enceinte en 1919, le conseil de Paris vote en 1924 l’avant-projet d’aménagement des anciennes fortifications où il prévoit sur la zone de servitude, une ceinture verte constituée de stades, de terrains de sports, de plaines de jeux, de squares et de promenades. Parallèlement, sur l’emprise des bastions, les espaces se densifient, avec l’implantation d’habitations bon marché et d’équipements. Peu à peu, au gré des atermoiements et décisions sectorielles, la « ceinture verte » qui avait été imaginée restera
finalement à l’état d’ébauche.
En 1913, Marcel Poëte et Louis Bonnier, qui dirigent la Commission d’extension de la préfecture de la Seine, publient un rapport sur le projet de ceinture verte. Ils s’inspirent des travaux de Jean-Claude-Nicolas Forestier et s’appuient également sur les exemples de Londres, Berlin et Vienne. Ainsi, ils souhaitent aménager de « vastes espaces libres » dans un rayon de 20 kilomètres autour de Paris.
Les travaux de la Cité universitaire débutent en 1921 entre les portes de Gentilly et d’Arcueil. Cette réalisation donne un aperçu sur un kilomètre de ce qu’aurait pu être la ceinture verte, avec une faible densité de bâtiments et de riches plantations.
Le parc comprend de nombreux équipements et s’inscrit dans un tracé planté beaucoup plus vaste : c’est l’époque où Jean-Claude-Nicolas Forestier développe l’idée d’un axe radial sud-parisien, menant du quartier latin au Parc de Sceaux.

Les cités-jardins, de nouvelles formes urbaines et paysagères
En 1919, le concours organisé pour le plan d’aménagement, d’embellissement et d’extension de Paris est remporté par Léon Jaussely qui prévoit en dehors de la capitale la construction de nombreuses cités-jardins. Idéalement, celles-ci ont vocation à constituer un dispositif en réseau permettant d’organiser le développement du Grand Paris et de s’inscrire dans la trame verte de la région Ile-de-France. Une idée facilement partagée, que seul Henri Sellier, créateur de l’office public d’habitations à bon marché (HBM) du département de la Seine, cherche alors à concrétiser.
Ces quartiers-jardins adaptent le concept de « Garden city » théorisé par Ebenezer Howard en 1898, selon une forme urbaine réunissant
les bienfaits de la ville et de la campagne pour les populations ouvrières.
La « nature », élément fondamental des cités-jardins, est présente sous forme d’espaces ouverts, de « closes », de coeurs d’îlots et de jardins privatifs. Certaines cités-jardins (Stains, Plessis-Robinson) ont des jardins ouvriers destinés à compléter les revenus des habitants, également bien intégrés dans la composition urbaine.

Les jardins ouvriers et familiaux
Durant les deux Guerres mondiales, la crise économique de 1929 et les périodes de pénurie alimentaire qui en découlent, les jardins ouvriers se développent particulièrement.
La Ligue française du coin de terre et du foyer, fondée en 1896 par l’abbé Jules Lemire qui reprend l’idée de Félicie Hervieu à Sedan en 1889, prône la mise à disposition par les municipalités d’une parcelle de terre pour aider l’approvisionnement de chaque famille d’ouvriers et pour favoriser leur sociabilité. Ainsi, 23 hectares de jardins familiaux sont recensés en 1913 dont 1515 jardins répartis entre Paris (530 jardins) et la « banlieue verte des maraîchers » qui regroupe Maisons-Alfort, Asnières, Ivry, Vitry, Arcueil, Suresnes (985 jardins). Les compagnies de chemins de fer sont aussi pourvoyeuses de jardins ouvriers, ainsi que plusieurs petites sociétés locales et indépendantes comme celle des Vertus au fort d’Aubervilliers.

Le maraîchage dans l’entre-deux-guerres
Les espaces agricoles sont peu à peu urbanisés. Des parcelles maraîchères réduites perdurent à l’est de Paris, aux abords des anciennes fortifications et dans les communes environnantes de Bobigny, Aubervilliers, Saint-Denis et Nanterre. En 1929, 140 maraîchers sont installés à Bobigny et 36 à Aubervilliers, ils produisent petits pois, melons, concombres, salades, radis…
La Plaine des Vertus, plus ancien et important fournisseur de légumes passe de 700 hectares en 1914 à 350 en 1940 puis disparaît dans les années 1960 avec l’aménagement du Parc de la Courneuve.
Les murs à pêches de Montreuil sont les plus grands témoins de l’arboriculture en Seine-Saint-Denis malgré leur diminution de près de 100 hectares en 30 ans.
Les vignes parisiennes disparaissent soumises à la pression foncière et aux attaques de mildiou et de phylloxéra.
En 1910, Montmartre ne compte plus que deux treilles.

Une chaire « d’architecture des jardins et des serres » est créée en 1874 à l’École d’horticulture sur le site du Potager du Roy à Versailles. Elle devient en 1926 « d’architecture des jardins et d’urbanisme ».
En 1945, la Section du paysage et de l’art des jardins est instaurée. Elle est remplacée en 1976 par l’École nationale supérieure du paysage (ENSP).
Depuis 2016 le diplôme de paysagiste DE (diplômé d’État) conclut 5 années d’études au niveau Master 2. En 2017, ces professionnels ont acquis le titre de paysagiste-concepteur qui les distingue des entrepreneurs et gestionnaires et traduit le terme de landscape-architect (architectepaysagiste) utilisé partout dans le monde. L’École nationale supérieure de paysage, située à Versailles et à Marseille, assure aussi la conservation et la valorisation du Potager du Roy.
En 1995, l’École nationale supérieure d’horticulture, renommée Institut national d’horticulture, s’installe à Angers.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la capitale se transforme. La banlieue, moins dense et moins coûteuse, attire les habitants partant de Paris pour rejoindre les bassins d’emploi de la région parisienne. Les quartiers pavillonnaires, apparus avant la Première Guerre mondiale
et développés après, poursuivent leur expansion, tandis que les grands ensembles s’installent dans le paysage, complétés par la création des villes nouvelles. Si la végétalisation des villes a tendance à diminuer, d’amples espaces verts, parfois aménagés simplement, caractérisent ces nouveaux lieux de vie. En sus de l’hygiène (air, soleil, lumière), leur fonction récréative est majeure.

Dans les années 1960, l’accès à la voiture se « démocratise ».
Dès 1956, le périphérique se construit sur le terrain des anciennes fortifications, sur la zone de servitude initialement envisagée pour la
ceinture verte. En ville, les trottoirs se réduisent, des arbres d’alignement disparaissent et les contre-allées des boulevards se reconvertissent en voie de desserte automobile ou en stationnement.
L’espace agricole, perçu comme une réserve foncière, recule encore davantage.

Les grands ensembles et leurs espaces extérieurs
Cette période est marquée par la création des grands ensembles d’habitation construits dans un contexte national de pénurie de logements amplifiée par le Baby-boom, une immigration massive et le rapatriement des Français d’Algérie.
Les principes modernes de libération du sol ont fait la part belle aux espaces. Ces nouveaux quartiers ont induit d’autres approches de conception et de plantations, distinctes de la tradition horticole en vigueur. Certaines de ces opérations, structurées ou non autour du paysage, ont pu constituer un terrain d’expérimentation privilégié pour les jeunes diplômés de la Section du Paysage et de l’Art des Jardins créée en 1945 à l’École d’horticulture de Versailles. Ces espaces verts assurent des fonctions centrales (vues, lumière, air…) et offrent de véritables lieux de vie partagés où les enfants jouent, tandis que familles et voisins se retrouvent.
Les travaux conduits par Jacques Henri-Labourdette et Roger Boileau débutent en 1954 pour s’achever vingt-deux ans plus tard.
Le grand ensemble de Sarcelles remplace alors les champs et de petits bois, comme celui de Lochères.
Les logements sont complétés par des équipements et des espaces verts. Leur réalisation est confiée au paysagiste Jean Camand. Le patrimoine planté, d’une grande diversité végétale, est constitué d’un grand parc central, de longs mails, de squares, de haies taillées et de bosquets.

Les « espaces verts » : jardins modernes
D’« espaces libres » dans les années 1930 les jardins deviennent « espaces verts » après la Seconde Guerre mondiale.
La Charte d’Athènes publiée par Le Corbusier, « bible » de la Reconstruction, prône « les surfaces vertes », l’air et la lumière comme autant d’emblèmes de la société moderne. Ils sont ainsi introduits au coeur des quartiers d’habitation et favorisent le développement des loisirs quotidiens.
La période des Trente Glorieuses concrétise ces théories et de nouveaux parcs sont alors créés ou réaménagés. Des Bases de Plein-Air et de Loisirs vont également compléter cette offre.

Les maraîchages dans les années 1970
Les cultures légumières et fruitières ont été repoussées hors de la petite couronne, même si à la fin des années 1970, quelques lieux résistent à l’est et au nord de Paris. Leurs emplacements ont été occupés par les administrations des nouveaux départements (91, 92, 93) ainsi que les logements et les centres commerciaux. Une prise de conscience semble pourtant se manifester pour les cultures fruitières des coteaux de Montreuil et de Montmorency.
La culture des vignes, très présente en Ile-de-France depuis le Moyen Âge, disparaît au milieu du XIXe siècle en quasi-totalité suite à la crise du phylloxéra.
Les vignes de Suresnes renaissent dans les années 1980. Planté sur les coteaux du Mont-Valérien, le vignoble qui s’étend sur 1 hectare est composé de deux cépages, Chardonnay et Sauvignon, produisant entre 3 000 et 5 000 bouteilles par an et bénéficiant de l’appellation
« Vin de pays – Île-de-France ».
Les murs à pêches protègent les fruits des intempéries et gardent le soleil, ce qui permet à ces variétés de se développer en région parisienne.
Occupant un tiers de la ville au XIXe siècle, ils fournissent jusqu’à dix-sept millions de fruits. Dès les années 1920 avec l’arrivée de fruits du midi de la France par le chemin de fer, l’activité diminue et le site se dégrade dans les années 1980. En 1993 Michel Corajoud remet à jour
les principes de ces murs et propose leur préservation dans le cadre d’un projet de développement urbain.
Depuis 2015, la ville de Montreuil défend la préservation de ce qui reste de ce « patrimoine d’intérêt régional ».

Après avoir été quelque peu délaissé, le réseau des grands parcs parisiens s’enrichit dans les deux dernières décennies du XXe siècle. Dans cet intervalle, la ville se pare de plus de 150 espaces verts. Paris n’avait pas connu de
réalisations aussi importantes depuis le Second Empire, mais les enjeux ne sont plus les mêmes.
Les lieux de végétation se développent dans tous les espaces délaissés : les anciens abattoirs, les sites industriels, les infrastructures
ferroviaires ou routières… Ils s’insèrent dans la capitale sans rechercher de véritable cohérence urbaine. Les villes limitrophes suivent la même inclinaison.
Ces nouveaux espaces verts adoptent des esthétiques variées, intègrent des végétaux parfois originaux et délicats, notamment
grâce à des paysagistes dont le métier est de plus en plus reconnu à tous les niveaux et échelles d’intervention.

Les espaces verts : plus de parcs et de jardins dans le Grand Paris
Les espaces verts deviennent des lieux d’expérimentation, ils se présentent sous toutes sortes de formes et se répartissent sur tout le territoire du Grand Paris.
On voit réapparaître les promenades plantées ainsi que les références aux parcs haussmanniens. Ces derniers côtoient les jardins « high tech », qui font dialoguer les éléments d’architecture contemporaine et les composantes végétales. De nombreux projets repensent les fondements même de l’idée de parc urbain. Si tous ne sont réalisés, les concours offrent
matière à débats, comme celui du Parc de la Villette à Paris ou celui du Parc du Sausset à Villepinte, où le projet lauréat de l’équipe de Michel et Claire Corajoud recrée une campagne bocagée et boisée sur 200 hectares près de l’aéroport de Roissy. Il interroge les rapports ville-campagne tandis qu’une forme de nature sauvage, s’inscrivant dans la lignée de la prise de conscience écologique grandissante depuis la fin des années 1970, retrouve une légitimité en ville.
À la fermeture des abattoirs en 1974, le site du 19e arrondissement est en déshérence.
En 1983, Bernard Tschumi est lauréat du concours pour la création du parc de la Villette. Il renouvelle le modèle du grand parc urbain et culturel en juxtaposant les promenades, les jardins thématiques, les aires de récréation et les grands édifices à partir d’une trame de « Folies ». La composition du parc mêle ainsi plusieurs disciplines : la chorégraphie, le cinéma, la philosophie et la psychanalyse.
Dans les années 1990, Gilles Clément est chargé du projet des jardins de l’Arche. Dans la continuité du tracé de l’axe historique créé par André Le Nôtre et au-dessus de l’autoroute et du métro, les jardins se déroulent comme une longue promenade plantée et ombragée en contrebas d’une passerelle-belvédère. Cet axe qualifié « d’épine dorsale » compose le territoire et se projette jusqu’au prochain méandre de la Seine où le parc du Chemin de l’île, associe différentes mises en scène de l’eau.
À l’occasion de la cession à la ville de Suresnes en 1986 du Parc du Château, un nouvel espace vert de 5 hectares est créé. Il est par ailleurs classé au titre des sites. Le projet proposé par Allain Provost de parc tourné vers la ville est retenu et un mur anti-bruit, protégeant de la circulation automobile longeant la Seine, est construit. Conservant l’idée du parc anglais, le jardin est conçu autour d’une prairie centrale,
d’une pièce d’eau et d’espèces rares.
Après le transfert des usines Citroën en banlieue, la ville de Paris rachète le site. Un concours est lancé pour le parc en 1985. Deux projets assez opposés sont retenus et leur synthèse donne naissance à un parc contrasté. Le parterre central vient rompre avec les aménagements périphériques dont font partie les jardins sériels et le jardin en mouvement conceptualisé par Gilles Clément. Ce dernier est un espace où la gestion accompagne le développement des espèces végétales à partir d’une observation attentive.

À partir des années 2000, on assiste de nouveau à une croissance démographique et l’on compte
2 200 000 habitants à Paris (intra-muros) en 2014, avec une densité de 21 066 habitants par kilomètre carré.
Paris renoue avec la croissance de son patrimoine arboré.
L’espace public parisien compte plus de 150 essences d’arbres constituées à 78 % de platanes, marronniers, tilleuls et sophoras.
Dans le Grand Paris, il y a aussi 600 hectares d’espaces verts privés auxquels s’ajoutent près de 30 hectares de murs végétalisés et plus de 44 hectares de toitures végétalisées. La prise de conscience de la nécessité d’un espace vert public à moins de 10 à 15 minutes de marche est présente en 2017 dans le schéma directeur de la région Île-de-France. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande un espace minimum de 10 mètres carrés de nature par habitant.
Le plan Vert Régional prévoit à l’horizon 2030 « notamment, la création de 2 300 hectares de parcs et jardins et de 500 hectares de forêts, ainsi que la préservation ou l’aménagement de 157 continuités écologiques, 132 liaisons vertes et 75 espaces de respiration, sans compter 46 fronts urbains permettant de limiter l’étalement urbain ».

La renaturation de la ville
Ces dernières années les questions du réchauffement climatique et de la réduction de la biodiversité sont au coeur des préoccupations des aménageurs et des paysagistes.
La renaturation de l’espace urbain s’impose, notamment pour limiter les îlots de chaleur et recréer des continuités écologiques. Des solutions sont proposées avec les murs végétaux et les toitures végétalisées, la préservation des sols perméables ou la transformation des surfaces asphaltées.
En 2015, le permis de végétaliser à Paris a ouvert le champ de la végétalisation citoyenne aux pieds d’arbres, repris par d’autres villes du Grand Paris. Remis en cause pour ses défauts d’entretien et de cohérence esthétique, il est poursuivi ponctuellement.
De nombreux projets de reverdissement des espaces urbains sont en cours de réalisation : réaménagement des abords de la cathédrale Notre-Dame, coulée verte entre les Tuileries et la Grande Arche, retour de la ceinture verte autour de Paris, transformation de l’Esplanade de la Défense en parc urbain.
Ouverte en septembre 2015, l’école de la biodiversité de Boulogne-Billancourt (groupe scolaire et gymnase) bénéficie d’un rayonnement
international dans les domaines de l’écologie et de la recherche. Ce projet s’inscrit dans la « stratégie régionale pour la biodiversité
2020-2030». Il s’agit de poursuivre les objectifs expérimentaux initiaux : développer une prairie de fauche, des arbustes, renforcer l’accueil de la végétation et de la faune dans les murs.
Le projet de « Concorde Végétale », repense cette place du 8e arrondissement en tant qu’espace de vie accessible à tous et reflétant
les aspirations contemporaines. Cette place emblématique est aujourd’hui sous utilisée, confisquée par la voiture. Elle pourrait devenir un
espace majeur du centre de Paris en la végétalisant telle qu’elle l’était au début du XIXe siècle et en rétablissant la continuité est-ouest des promenades entre les Jardins des Champs-Elysées et des Tuileries.
Le projet repense les espaces publics emblématiques autour de Notre-Dame comme un assemblage d’atmosphères climatiques. Le parvis devient une clairière entourée d’arbres, le square derrière la Cathédrale est agrandi vers la pointe de l’île et un nouveau grand parc est créé le long de la Seine. Ces espaces offrent de nouvelles vues sur Notre-Dame, créent un rapport différent à la Seine et proposent des usages inédits.
L’île de la Cité redevient ainsi l’épicentre de Paris.

Le retour des jardins familiaux et partagés
Au début du XXIe siècle, l’aspect convivial et économique du jardin réapparaît grâce aux jardins familiaux et partagés, de petites surfaces, souvent gagnées sur des terrains délaissés et gérées collectivement par des habitants. Le plaisir de jardiner ensemble et de consommer ses produits frais et bios couplé à une volonté écologique de réduction des gaz à effets de serre sont les deux principaux vecteurs de cette volonté de végétalisation de l’espace urbain largement impulsée localement par les citadins.
Cela se concrétise par le maintien ou la création de 125 jardins familiaux et partagés dans les quartiers du nord, de l’est et du sud de Paris complétés par ceux de la banlieue.
Ces jardins renouent avec leur vocation initiale de créer du lien social et de permettre un complément alimentaire. En outre la valorisation des espaces non bâtis contribue à empêcher de les considérer comme du foncier disponible à la construction.
En 2009, 40 parcelles, ayant pris place entre les lignes de Tramway T2 et de train reliant Paris et Versailles sur d’anciennes friches de la SNCF, sont proposées aux Suresnois. Gérées par l’association des Jardiniers du Belvédère, elles mettent à disposition des familles un jardin avec cabane et récupérateur d’eau. Devant le succès rencontré, 10 nouvelles parcelles de jardins partagés sont aménagées en 2021.
Une amélioration de l’attribution de la rotation des parcelles est en cours.
Dès le début du XXe siècle, des jardins potagers sont cultivés sur le territoire du Fort.
Aujourd’hui, au coeur d’un paysage urbain particulièrement dense en terme de logements et de trafic routier, sur une superficie de 7 hectares ne subsistent que 268 parcelles de jardins ouvriers et familiaux.
Amputés de 4 000 mètres carrés en septembre 2021 pour installer un bassin d’entrainement pour les JO 2024 et futur équipement local, les jardins détruits devront finalement être remis en état.

Nouvelle agriculture urbaine et prise en compte du développement durable
L’agriculture urbaine et périurbaine, longtemps négligée par les pouvoirs publics, est encouragée depuis plus d’une quinzaine d’années par une grande variété de dispositifs émanant de l’État, des collectivités territoriales, mais aussi d’entreprises et de fondations.
Elle se redéveloppe dans le Grand Paris où des hectares sont cultivés ; ce sont notamment les jardins partagés, la ferme de Paris, les vignes, les vergers, les ruches, les poulaillers.
Les nouveaux agriculteurs urbains colonisent les toits, les murs, les talus, les friches et les pieds. Bien que de dimension inférieure aux parcelles agricoles parisiennes des trois derniers siècles, cette nature prend aujourd’hui un sens plus important et est une forte demande des citoyens malgré les risques de pollution atmosphérique et pédologique susceptible de contaminer les végétaux. Cette combinaison d’un espace de production avec une prise en compte des principes écologiques, notamment circulaires (déchets compostables, récupération des eaux…) s’accompagne aussi d’une dimension sociale, récréative et éducative.
Installé dans un ancien réservoir du XVIIe siècle, en plein coeur de ville, cet espace de 3 000 mètres carrés suit les principes de la permaculture. Le premier tiers est dédié à une forêt jardinée comportant un bassin de récupération des eaux de pluie, le deuxième à une gestion productive biointensive et le dernier aux espaces d’accueil et de circulation. Nature&Découvertes a financé l’installation avec le soutien de la ville de Versailles et une convention d’occupation de l’établissement public du château.
Depuis février 2021, la Cité Maraîchère de Romainville est un laboratoire d’agriculture urbaine produisant fruits, légumes et plantes
aromatiques. Elle comprend une serre verticale de 700 mètres carrés abritant 753 bacs de culture hors-sol. Elle met en oeuvre de nombreuses innovations : gestion de l’arrosage, éclairage, ventilation et chauffage naturel, récupération de l’eau de pluie (40% de l’irrigation), matériaux biosourcés pour l’isolation (liège). Elle est aussi un lieu convivial, solidaire et pédagogique.